Pendant que Chirac, fort en gueule, faisait le beau avec sa conférence internationale, l'état français refusait la demande des Indiens du Haut Maroni de voir leur territoire protégé de l’orpaillage, malgré l’avis positif des commissaires enquêteurs. On est en plein délire : clamant dans le monde entier ses bonnes intentions et prétendant donner des leçons, la France, dans ses propres colonies (positives selon la loi), laisse couler le mercure qui empoisonne des milliers d'hectares de forêt primaire et détruit la vie de ses habitants. L'association SOLIDARITE GUYANE a envoyé au président à ce sujet, une lettre ouverte qui relaie le cri lancé par les Indiens Wayana et Tekon, de Guyane française.
Monsieur le Président de la République,
Nous, Amérindiens Wayana et Teko habitants du haut maroni, fleuve de Guyane française, venons d'apprendre par voie de presse que notre zone de subsistance ne sera pas mise sous la protection du coeur du futur parc national de Guyane, contrairement à notre revendication unanime.
Nous nous permettons de vous signifier le deuil de nos populations à perdre ainsi le dernier espoir que nous avions fondé en l'entendement de la République française à sauvegarder notre avenir. En effet, sauf à être préservé efficacement de toutes formes d'orpaillage et autres usages destructifs de la forêt amazonienne, si fragile, qui nous fait vivre, notre temps est désormais compté, après avoir su nous adapter et vivre avec dignité pendant 1000 ans, sur ces terres de Guyane.
Il apparaît que la décision prise de ne pas accéder à notre requête relève d'un motif politique, qui voit la volonté de création de ce parc avant les prochaines élections présidentielles primer sur toutes autres considérations, les plus sensées comprises.
Il n'est qu'à examiner le tracé retenu pour ce parc pour que le plus simple bon sens y relève cette anomalie manifeste d'exclure tout notre espace de subsistance de sa protection. Ce tracé n'est clairement que le résultat d'un mauvais travail, irrationnel, de sa détermination: une erreur que la République pourrait avoir la dignité d'admettre.
Au lieu de cela, cette incurie va nous faire disparaître, en tant qu'entité ethnique, culturelle, économique, citoyenne. Disparaître comme ont disparu les Amérindiens d'Amérique du nord, sacrifiés à l'autel d'intérêts moins futiles que ceux de votre gouvernement.
Mais pourtant, nous ne sommes plus au 19eme siècle et ses génocides, ses massacres, ses terribles leçons. A l'évidence, ces leçons de l'histoire ne suffisent pas à la République Française du 21eme siècle pour se montrer plus avisée... Ne serait-ce qu'à penser à ce qu'il restera d'elle, dans l'histoire du monde, après le mal qu'elle aura fait à nos peuples.
A ce point de désolation, comment espérer rendre la France à plus de civilisation?.
Espérant votre salutaire intervention, nous vous assurons, Monsieur le Président de la République française, l'expression de notre très profond respect.
KËPËTOMAC TAMO, collectif des Amérindiens du haut Maroni.
Source : Solidarité Guyane