Le succès de la journée du 23 mai qui a vu des dizaines de villes de tous les pays manifester contre MONSANTO, et plus particulièrement en Europe contre l'implantation sauvage de semences OGM, pose encore une fois la question de la domination des multinationales de l'agro-industrie sur la production alimentaire. Cette question en amène une autre, celle de la privatisation des richesses naturelles, et notamment les connaissances liées à l'utilisation de semences et graines.
Un brevet sur les séquences génétiques de variétés naturelles ?
Le 25 mars dernier, l'Office Européen de Brevets a publié un jugement qui a fait parler de lui, notamment par le biais d'organisations comme la Fédération nationale des producteurs de l’horticulture et des pépinières (FNPHP) qui s'inquiète, à juste titre :
Après des années de tergiversations, la Grande Chambre des recours de l'OEB (Office Européen de Brevets) s’est prononcée en faveur de certains brevets concernant les brocolis et les tomates. Dans sa conclusion du 25 mars 2015 (décisions G2/13 et G2/12), elle confirme ainsi qu’un produit obtenu par un procédé essentiellement biologique est brevetable (croisement naturel par exemple).
Près d'un millier de demandes de dépôts de brevet
La question n'est pas anecdotique : les industriels se préparent à une guerre de dépôts de brevets sur des découvertes mineures (croisement d'espèces, par exemple), mais qui pourraient avoir des conséquences majeures sur la vie des horticulteurs, maraîchers, comme le rappelle la FNPHP :
Certaines entreprises possèdent actuellement quelques brevets sur des caractéristiques dites naturelles. Demain, ce seront quelques dizaines voire quelques centaines de brevets qui seront déposés sur tous types de végétaux. Ainsi, des caractères naturels isolés et qui obtiendront une protection par brevets, obligeront toutes les entreprises produisant des variétés présentant ces mêmes caractéristiques (naturelles rappelons-le) à obtenir un droit à produire et devront acquitter une licence.
Comment s'opposer à cet état de fait
Il est difficile de s'y retrouver : parmi les nombreuses organisations qui ont manifesté leur réaction à cette décision du 27 mars 2015, la coalition internationale No Patents on Seeds! rassemble un grand nombre d'ONG d'Allemagne et d'Espagne et de France avec le réseau Semences Paysannes qui explicite la démarche :
Les sociétés multinationales disposant des moyens technologiques de décoder les séquences génétiques des plantes cultivées et des animaux d'élevage vont ainsi pouvoir s'approprier tout ce que nous mangeons. Les paysans ne pourront plus semer ou faire naître des animaux sans d'abord obtenir l'autorisation de la part du détenteur du brevet contre monnaie sonnante et trébuchante. « C'est un bond en arrière de trois siècles qui rétablit la dîme versée par les paysans aux seigneurs du moyen-âge et la porte ouverte à une biopiraterie généralisée » dénonce Michel Metz, administrateur du Réseau Semences Paysannes.