12 juillet 2024

Géographe à la Sorbonne où elle exerce depuis 2007 après être passée à Sciences Po, Sylvie Brunel , autrefois présidente de l'ONG Action contre la Faim , est l'auteur de plusieurs essais dans lesquels elle s'intéresse à la fracture entre 2 mondes que tout oppose, et malgré tout complémentaires. L'agriculture biologique certifiée d'un coté, et l'agriculture conventionnelle de l'autre. Avec en point de mire la défense générale du monde agricole, dont il faut bien reconnaître qu'il assume parfaitement sa fonction principale, malgré d'innombrables difficultés, de  nourrir la planète. En dépit des es critiques que  l'on développe sur les problématiques écologiques,  elle nous force à  reconnaître une efficacité étonnante de la productivité moderne, d'autant plus  qu'elle infirme magistralement les  prédictions démenties du célèbre Malthus, qui prévoyait au 18e  siècle un épuisement rapide des resources si la population venait à croître de manière exponentielle.

Nous voilà donc contraints de voir cohabiter deux mondes où les acteurs passent de l'un à l'autre au gré des fluctuations du marché et des politiques publiques. Sylvie Brunel défend l'un et l'autre, en appelant les partisans de l'agriculture biologique à la modération. Par exemple, que deviendrait la lutte contre les maladies des plantes si l'ensemble du paysage n'était pas protégé par les traitements chimiques dont bénéficie l'agriculture conventionnelle ? Quelles capacités de vision à long terme d'une agriculture biologique constituée de petites exploitations dont les débouchés sont aléatoires ? Un plaidoyer pour la modération qui n'exclut pas quelques erreurs de jugement. En effet, affirmer que les traitements chimiques  auraient solutionné la crise du mildiou en Irlande au 19e siècle relève d'une méconnaissance de cet épisode majeur de famine en Europe (Pourquoi les paysans vont sauver le monde, 2021). En effet, les historiens s'interrogent toujours sur l'attitude de l'occupant (anglais) lors de ces années où les surplus de grain et viande continuaient de quitter l'Irlande vers l'Angleterre. En réalité, la production agricole en Irlande aurait même suffi à nourrir sa population sans l'intervention du Royaume. Les excuses officielles viendront un siècle et demi plus tard, votre serviteur eut la chance d'y assister lors d'une commération dans le Sud de l'Irlande, 1997.

Conclusion, plus que le choix des techniques agricoles, l'environnement socio économique et les rapports de domination sont maîtres du jeu : le système politique est décideur ultime des options à engager et des directions à donner aux énormes resources de subventions qui sont versées chaque année. Entre l'agriculture biologique et le complexe agro industriel / grande distribution , il y a certes des compromis à entrevoir. Mais de là à remettre en question le bien fondé des engagements écologiques en faveur de la biodiversité, des paysages, il n'y avait qu'un pas que Sylvie Brunel, en toute connaissance de cause, franchit peut être un peu trop vite.