Philippe Charlez, expert internationalement reconnu dans le domaine de l'énergie, est l'auteur de nombreuses publications sur internet, et d'ouvrages en librairie dont le dernier paru est une belle rétrospective de l'histoire énergétique de l'humanité, ainsi qu'une prospective dressée sous l'angle des lois physiques de la thermodynamique. Un premier volet historique fait le tour de l'appropriation des sources d'énergies par l'homme depuis la découverte du feu, en passant par la révolution industrielle jusqu'à nos jours où les concentrations de gaz à effet de serre dans l'atmosphère illustrent encore une fois, par le biais des différents régulateurs que sont l'océan , la biomasse, l'atmosphère, les principes fondamentaux de la physique de l'entropie.
Un parti pris techno scientiste
Avec de nombreuses démonstrations mathématiques, Philippe Charlez développe une thèse énergétique qui illustre parfaitement l'orientation politique du groupe dont il est l'un des conseillers majeurs, le parti de droite Les Républicains. A ce titre il mise donc sur une évolution technologique nécéssaire dans les domaines du nucléaire, par exemple, ou encore des objets connectés, afin d'atteindre, selon lui, une efficacité énergétique vertueuse à l'opposé des stratégies de décroissance ou simple modération défendues par de nombreuses ONG comme les Amis de la Terre.
[Réponse de Philippe Charlez] Oui c’est vrai mais la proposition pourrait être inversée. Ayant conseillé les Républicains en termes de transition énergétique il est logique qu’il y ait concordance entre leur programme et mes écrits. Cela je ne partage pas l’idée de ne pas poursuivre le développement des éoliennes. Il peut donc avoir des divergences. Sur le nucléaire ils m’ont par contre rejoints. Cela étant cela ne vous a pas échappé je suis un libéral convaincu. Même si j’ai voulu mon approche scientifique déconnectée de toute position politique, on ne peut complètement se couper de convictions profondes je le reconnais humblement
De solides et incontestables arguments
Ses arguments sont solides, on note par exemple qu'en matière d'énergie grise, l'éolienne ne vaut pas mieux que la centrale nucléaire en terme de masse de béton au MWH (unité d'électricité) produite (page391). Idem, comment nier les progrès en matière de consommation énergétique des voitures par exemple ? Ces belles démonstrations méritent d'être abordées sous un angle non partisan, nous recommandons cette lecture à tous les opposants à l'énergie nucléaire, qui trouveront sans aucun doute de nombreux arguments pertinents invitant chacun à mieux réfléchir aux choix de société que l'on doit envisager.
[Réponse de Philippe Charlez] Il faut lire elle vaut beaucoup moins bien, poids de béton et d’acier par MWh (p372 et non 391) : par MWh produit une éolienne off shore consommera 50 fois plus d’acier qu’un réacteur nucléaire.
Le facteur humain
Si les chiffres parlent d'eux mêmes, ils ne sont jamais entièrement fidèles à la réalité du terrain. Dans un monde idéal, l'amélioration des technologies et l'apport des calculateurs omniprésents et hyper connectés pourrait optimiser de nombreuses unités de production et de distribution d'énergie. Dans la réalité, Philippe Charlez avance en négligeant un facteur essentiel largement documenté : le fameux effet rebond, décrit ainsi par Julien Villalard dans Reporterre :
chaque gain d’efficacité apporté par la science et l’industrie se traduit, en bout de ligne, par une consommation énergétique globale surmultipliée. Ainsi le transport aérien, moins énergivore qu’autrefois, est devenu accessible à tout un chacun et a décuplé. Idem pour la climatisation, ce luxe devenu omniprésent. Et l’éclairage de plus en plus économique transforme peu à peu l’obscurité en une denrée rare
De même, on peut remarquer que l'auteur raisonne sur des échelles continentales, une réalité certes indéniable au 21e siècle mais qui ne tient pas compte des dynamiques locales d'auto organisation à petite échelle qui pourraient très bien convenir à des sociétés viables, non matérialistes, et porteuses d'avenir.
[Réponse de Philippe Charlez] Vous avez raison sur l’effet rebond en général. Je le mentionne à peine et ne l’aborde pas suffisamment. J’en avais parlé dans mon précédent ouvrage.
Concernant les échelles continentales, mes indicateurs sont en effet basés sur des échantillons statistiques de grande taille (pays) car la thermodynamique est basée sur le loi des grands nombres. Le raisonnement serait moins pertinent sur des petites sociétés vernaculaires. Etonnant de voir d’ailleurs les décroissantistes (émanant à une écrasante majorité de l’extrême gauche) et les nationaliste promouvoir pour des raisons différentes le localisme.
Un ouvrage incontournable
C'est donc un puits de science et de calculs accompagnant agréablement une histoire contemporaine des énergies que nous propose Philippe Charlez dans cet ouvrage très justement baptisé "Utopie de la Croissance Verte". Concentration requise pour cette bible du calcul entropique appliqué aux problématiques du nouveau millénaire.
Cet article a été lu et commenté par l'auteur Philippe Charlez. Nous publions ses réponses à la suite des paragraphes concernés.
Ecouter en complément l'explication en vidéo "Conférence de Philippe Charlez à Science Po le 24 septembre 2021"
notamment la différence entre énergie de stock (matière : pétrole, charbon..) et énergie de flux (éolien, solaire)
https://www.youtube.com/watch?v=ogfDsoDElAw&t=129s